Grand-place et sociabilités religieuses. Cas en provenance de l’Université Gaston Berger, Saint-Louis du Sénégal.

Ces éléments d’observations de terrain ont été réalisés dans le cadre d’un exercice portant sur le thème des sociabilités et des religiosités. C’est un travail mené par un duo composé d’un jeune chercheur et d’une jeune chercheure, affiliés tous les deux au Groupe d’Action et d’Étude Critique (Gaec-Africa). Dans le cas qui nous concerne, nous avons observé la manière dont les concepts de sociabilité et de religiosité traversent et configurent l’espace des grand-places.

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Campus social de l’Université Gaston Berger, nous sommes le 25 octobre 2022, il est 11h 00 et le thermomètre affiche 28°. Notre position est située sur une rue passante, à l’heure de la descente et du déjeuner. Le brouhaha des voix et les bruits des sandales imposent leur ton, alors que nous nous dirigeons vers le grand-place du village B[1], situé juste à l’entrée, à droite, dans la cour. Au milieu des allées qui bordent ce lieu, se trouvent des seaux d'eau, des bouteilles d'huile recyclées en bouteilles d'eau et des bidons de 10 L. L’abri qui fait grand-place est à est protégé par le soleil grâce à des feuilles du Siddéem (Ziziphus mauritiana) qui le surplombe. L’endroit est aménagé avec quatre bancs positionnés sur quatre côtés formant un rectangle. Ils peuvent accueillir chacun trois personnes. Ces bancs sont en structure métallique et ils sont peints en couleur bleu ciel. Au centre se trouve une table faite avec un pneu usé qui est placé sur du béton dont la partie plate est décorée avec différents motifs de carrelage. Au-delà des bruits des passants, nous sommes accueillis par des chants religieux soufis de la tijanniya Sy[2]. Sur place, sont présents huit jeunes[3]. On peut aussi remarquer les présences passagères de certains. La place est à la fois un atelier et un lieu de commerce de crèmes glacées stockées dans un glacier aux couleurs orange et blanche. La plupart des personnes sont assises, d'autres de passage restent debout. Certains sont concentrés sur des objets à réparer, d’autres sont plongés dans leurs Smartphones. Les discussions sont plus orientées sur le business et l'argent. Au même moment, les sons religieux tijaan continue de raisonner à travers un haut-parleur Bluetooth. Une des personnes en bleu se met de temps en temps à suivre la voix du chanteur Abdou Aziz MBaye[4] jusqu’à laisser son téléphone tomber. De petites conversations couvrent, ça et là, l’animation. Des blagues et des rires fusent également de temps à autres. Quelqu’un raconte une blague sur un joueur de football. Ce dernier est décrit de manière ironique et comique loin d'un footballeur professionnel. Au même moment, une autre personne fait son entrée. Il débute par un « assalaamu aleykum »[5], ils répondent tous à la salutation par « maaleykum salaam » à des rythmes. Ce dernier choisit bien de donner la main aux hommes plutôt qu’aux filles. Il retrouve une ambiance chaleureuse, avec beaucoup d’humour et de rigolade. Parmi les réparateurs, un, habillé en pantalon rouge assorti d’un débardeur noir, penché sur un ventilateur blanc, raconte une anecdote sur une personne qui a acheté des verres et un réchaud pour le thé, alors qu’il n’avait pas le traditionnel « baraada[6] » à sa disposition. Ce réparateur, pour un bon moment, est celui qui anime les discussions. Il s'en prend occasionnellement à son ami, qui répare lui un réchaud électrique, qu’il compare à une femme de par sa nonchalance et sa lenteur dans le travail. Il s'ensuit une rigolade générale, sans incident. Le rythme des passages incessants cadencés par les salamalecs continue. Depuis notre arrivée sur les lieux, le même chant religieux est toujours en cours. Certains vivent ces chansons par des gestes et mouvements avec les mains, parfois avec le corps qu’ils oscillent en accord avec la mélodie, parfois d’autres imitent le chanteur. Entre-temps, le nombre de personnes présentes est passé à onze. 

Le chant religieux qui passait est interrompu par un appel téléphonique. La sonnerie du téléphone est un chant religieux tijane. Après quelques petites minutes au téléphone, il salue une fille qui vient de s'ajouter au groupe en disant « fils nakamu ?»[7]. Cette dernière répond par « kuul nii »[8]. Malgré ces échanges ponctuels, les réparateurs restent focus sur leurs tâches respectives. Deux étudiantes de passage, à voix haute, se taquinent l’une l’autre en allant au restaurant.

Il est 12h au moment où une fille nommée « Bàjjan »[9] est interpellée par le groupe. Elle s'arrête et échange quelques mots, toujours sur le même fond sonore de chants religieux.

L'un des gars, portant un maillot NBA[10] de couleur rouge avec un short qui couvre à peine ses cuisses, se met à insulter[11] un de ses interlocuteurs d'en face. De l’autre côté, l’un d'eux nommé Gora, vêtu d’un pantalon rouge et d’un débardeur noir, averti son collègue qui lui colle des accusations[12] tout le temps. Un des réparateurs, ayant fini de tester le ventilateur, cause avec son collègue à côté sur la qualité de son travail. Il dit : « si je répare un produit, après deux jours, je ne suis plus garant ». Son ami lui lance : « Yow tiryã nga rekk » ; « tu es un truand ». Ayant fini de travailler, il prend aussitôt son téléphone et se met à donner les résultats des matchs de la semaine « milã moo dóor keroog » « Milan a gagné hier ». Il se coupe dans son élan pour demander de la crème glacée, l’un d'eux se lève et le sert avant de reprendre place. Sa dégustation et son téléphone l'occupent un bon moment, c’est le début d’un silence total dans le groupe. D’un coup, le même Gora se fait moraliser par son collègue à côté : « sa loxo du jóg mukk ci taatu kuy dem »[13] au cours d’un petit aparté, à deux, à peine audible par le reste de l’assistance. En même temps s’opère un changement d’ambiance sonore. La chanson tijiaan est remplacée par une musique mbalakh. C’est le chanteur Kéba Seck avec le titre « wàccal ci suuf »[14]. Son collègue à côté de lui demande : « pourquoi tu as mixé les chants religieux avec les sons mbalax ? » Et là, silence radio, la question est vite esquivée. Le nombre de personnes ayant diminué sporadiquement, trois groupes de deux se forment selon les proximités. La discussion générale se transforme en murmure. Cette nouvelle tournure est périodiquement interrompue par les salutations lancées aux filles qui passent. Gora et son camarade prennent à parti l’une d’entre elle, et lui demandent : « lu tax nuyuwoo nu ?» ; « Pourquoi tu ne nous as pas salués ? ». La fille leur signale qu'elle a bien salué en disant « bàrki Yàlla nuyoo naa» ; « Je jure sur Dieu que je vous ai salués ». Après quelques taquineries, cette dernière prend congé du groupe et continue sa route. À 13h, le moment du déjeuner approche et les uns et les autres se retirent progressivement. Celui qui tantôt se laissait aller dans les chants religieux est maintenant en train de faire des pas de danse sous le tempo de la musique mbalax[15]. Ses pas de danse accentuent les interactions avec presque l’ensemble des passants. Une fille voilée et couverte entièrement se fait taquiner par un gars qui se met à avancer vers cette dernière en lui disant « dama lay song de » ; « je vais me jeter sur toi », la fille recule et lui rétorque « woolu na sama boppu » ; « j’ai confiance en moi ». Un autre gars vient se mêler à la discussion, ce dernier appelle la fille voilée par « hé » ; « toi » cette dernière lui recommande de l'appeler par son nom ou par « Yaa saydaa »[16] ou « soxna si »[17]. Le gars finit par demander à la fille son prénom. Elle le lui donne, puis après un long moment d’explication, ils se donnent rendez-vous l'après-midi en disant tous « insha Alla »[18] ; « s’il plaît à dieu ». C’est dans ces moments où tout le monde s’active pour aller prendre son repas de midi, en plus de l’approche de la prière de 14h, que l’ambiance se calme progressivement. Toutes les personnes qui fréquentent le lieu commencent à quitter progressivement.

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Il est 14h19 au moment où nous faisons notre retour sur le terrain. Nous trouvons sur place sept personnes dont deux filles assises de part et d'autre. La plupart d’entre eux sont scotchés à leurs smartphones. Une personne, en chemise marron et jean bleu, tire les perles de son chapelet en récitant une incantation qu’on peut à peine lire sur ses lèvres. Le groupe se retrouve progressivement. Si certains étaient allés déjeuner ou prier, d'autres ont profité du moment pour aller vaquer à d'autres occupations. Certains, à travers une blague, rappellent l’importance de suspendre les activités mondaines aux heures de prières. L’un d’entre eux sermonne : « Booy, bu julli jotee loo doon def danga koo wara bàyyi »[19], puis il s’assoie. Le reste du groupe se retire chacun à sa manière pour aller prier. Il s'ensuit un climat relativement calme. On entend juste les bruits des oiseaux qui chantent. Quelques instants plus tard, les interactions sous forme de plaisanterie reprennent au sein du grand-place. Chaque fille qui passe fait l'objet d'une taquinerie de la part du groupe. Certaines filles prennent le temps de s’arrêter, pour échanger quelques aménités, avant de poursuivre leur chemin. Les manières de saluer ont évolué. Elles semblent, aujourd’hui, loin des habituels « Assalamu Aleykum » « mualeykum salaam ». Tantôt c’est « tonton » ou « frère » pour les passants et « Tata » ou « petite sœur » pour le groupe. Soudain, on entend un vieux arriver de loin avec un microphone où on peut entendre ces phrases suivantes : « garabu ndoxum siti am na ; emoroyit, aasma ; kuy saw lal am na »[20]. Le passage du vieux laisse place à des discussions sur l’utilisation des produits de la médecine traditionnelle. Un vieil agent du CROUS[21], habillé d’un t-shirt blanc et un pantalon bleu, s’interroge sur leur efficacité. Il note en ces termes : « garabu wolof de baax na. Wante nag porobalem bi mooy mëno xam nooy def ba itiliise garab bi ak dossaas bu baax »[22]. Dans ces circonstances, nous sommes rejoints par un homme vêtu d'un blouson rouge-noir, en dessous une chemise et d'un jean gris. Sans pour autant serrer la main aux gens, il se limite à dire : « siyaar naa leen »[23], certains répondent par : « delloo siyaar »[24]. Il prend directement place et se sert une crème glacée. Il rentre aussitôt dans l’ambiance, entre salutations personnalisées, avec des passants. À côté, le même agent du CROUS interpelle un homme qui le sollicite pour voir une fille dans le village. L’agent lui demande d'appeler la personne pour qu'elle vienne le chercher. Une fois la fille arrivée, l’agent lui demande le numéro et le mentionne dans un carnet en gardant la pièce d'identité du visiteur. Le visiteur repart avec la fille le visage fermé. Le concierge du village prend place dans le groupe. Il en profite pour chambrer une personne : « danga bëgg jigéen » (Tu aimes trop les femmes ). Son interlocuteur répond par un petit sourire sans commentaire. Dans un moment de relâchement, le concierge s’étale sur le banc en disant : « yaa rassuululaa »[25]. Sur ces entrefaites, la personne qui venait de nous joindre un peu plus tôt avec son blouson rouge-noir, prépare le matériel pour le thé. Sur la table au milieu se trouve un plat avec un sachet de thé aux couleurs jaune et rouge, deux tasses en verre, du sucre stocké dans un ancien pot de moutarde et un sachet plastique de clous de girofle. À ce moment de la journée, l’intensité de la chaleur fait l’objet de discussions. Certains montrent leur nostalgie des temps froids, ils disent : «Tàngoor bi ren dafa yàgg lool» ( La chaleur de cette année dure trop longtemps). Plusieurs d’entre eux se désolent du manque de fraîcheur. Il est 15h00, les va et viens le va et vient continue d'être rythmé par les traditionnelles salutations « assalaamu Aleykum ; maaleykum salaam ». Pas de réparations en cours pour l’instant, et les discussions tournent autour de certains agents du CROUS qui sont mis à pied par leur direction. Selon l’un d’eux, « certains agents ne respectaient pas leur travail et ils se sont fait sanctionner ». Ils disent qu’un certain Aw est le mandataire de ces sanctions. L’un d'eux pense que c'est à cause du changement au niveau de la direction, mais le vieux qui avait demandé la pièce d’identité au visiteur de tout à l'heure intervient pour dire : « Aw est en train de se reprendre. Il avait laissé trop de place jusqu'à se faire dépasser par les événements ». On peut entendre, au cours de ces échanges, que certains réparateurs sur place disent avoir été mis à pied par la direction. L’un d’eux, vêtu d’un polo aux insignes du CROUS, affirme: « man sax mëss nañu ma miis a piye 1 mois »[26]. Alors que l’appel à la prière s’est déjà fait depuis presque une heure, certains réparateurs, occupés par leur tâche, se préparent pour les ablutions. Dans ces instants, certains en profitent pour partager leurs pensées : « julli ca waxtu wa !» « Prier, c’est à la bonne heure !», au moment où une personne s’apprêtait à prendre une bouilloire (satala). Le grand-place change de configuration, plusieurs se lèvent pour se préparer à remplir leur devoir religieux[27]. Sur la place règne alors un calme relatif bercé par les oiseaux qui chantent.

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Nous marquons notre retour au grand-place, ce 26 octobre aux alentours de 12h35. Il y règne un calme relativement plat. Sur place, les allées du village sont encombrées par des bouteilles d'eau vides, des récipients de toutes couleurs alignés les uns derrière les autres. Sur le grand-place se trouvent cinq hommes dont une fille habillée tout en jaune. Il fait relativement chaud et le thermomètre affiche 32°. Pas de musique ni de chant religieux. On ne retrouve plus l'atelier d’alors. Les uns sont sur leurs téléphones, les autres en mode relaxation. Deux femmes de ménage[28] s’approchent de la place. Juste avant de s'asseoir, elles disent « allaawu akbar » ; « Dieu est grand », avant de se laisser aller sur le banc. Visiblement épuisées, elles diront toutes deux, en prenant place, « assalaamu Aleykum » avant que le reste du groupe réplique par « maaleykum salaam ». Le vieux qui avait interpellé un visiteur, la fois dernière, est sur les lieux. Il se présente auprès d'une personne qui, avec ses bagages, s'apprêtait à sortir du village. Le vieux sort un registre dans lequel il mentionne son numéro de chambre. En plus, il vérifie le matelas que la personne a en main avant de prendre note. Autour du grand-place, toute personne qui passe rentre systématiquement en contact avec le groupe. L'un d'eux, nommé Assane, rencontré au premier jour d’enquête, est très actif dans ce sens. « Hé boy », « fils »[29], etc. sont des mots fréquemment utilisés pour parler aux passants féminins. Il règne un calme aujourd'hui dans le grand-place, une des personnes rencontrées à la première séance, à forte voix, crie en disant : « Crème, crème, crème » tout en imitant un comédien sénégalais nommé Nianku[30]. Il tient à la main un petit glacier. Après quelques ventes ici et là, il positionne le glacier sur une bouteille d'huile recyclée en bouteille d'eau. En scandant avec humour « crème, crème, crème », il attire une clientèle exclusivement féminine. Dans la foulée, une fille lui demande de servir tout le groupe. Elle offre une tournée. Plusieurs personnes sur place profitent de l’opportunité et formulent des prières pour la bienfaitrice. Parmi les vœux exprimés, « soxna si Yàlla na la Yàlla fay » ; « Très chère, que Dieu te paye ta générosité », un autre lui emboîte le pas et se prononce « madame Yàlla nañu la woo entretien demain insàllaa »[31]. Au moment, nous remarquons la présence de la personne qui s'était chargée de l'animation lors de notre première présence. Il est 13h02, c’est l'heure de la descente, les passages sont fréquents et beaucoup se plient aux traditionnelles salutations. Certains, à l’image d’un passant, prennent le temps de donner la main à chacun en disant : « fall maa ngi siyaar »[32] et chacun lui répond par « dello siyaar ». Le groupe étant essentiellement composé d’hommes, des échanges prennent place concernant les résultats des matchs d'hier en ligue des champions. Il est plus question de la défaite du Real contre un club allemand. En continuant leurs échanges sur les questions sportives, on finit par entendre Gora se prononcer ainsi : « naar bi déemb ray nama », approximativement « j’ai loupé mon pari »[33]. Une autre ajoute dans le temps « déemb kay reyal yàq na tike yépp »[34]. Vers 13h30, le grand-place reprend ses allures d’atelier. Notre vendeur de crème glacée est en train de réparer un réchaud. Il se fait entendre avec des coups de tournevis qu'il frappe contre le métal du réchaud. Il est interrompu dans son action par une fille qui lui remet de l'argent avant de patienter pour sa monnaie. La fille refait lui-même le calcul et signale que sa monnaie est incomplète. Une fois cette dernière prise en charge, une autre fille lui présente un billet de 2000f pour un crème à 50f. Il se met à rire après la fille et lui lance ces mots : « dëkk bu metti bii ngay joxe 2 miil farã ci 50f »[35]. La fille, debout juste derrière lui, finit par laisser sa monnaie sur place. Elle la récupérera plus tard. Après ces passages, les discussions sont ramenées au football. Cette fois-ci les chances du Sénégal au mondial sont à l’ordre du jour. Ces échanges sont ponctués par des réclamations incessantes de monnaie. Plusieurs clients se mettent après à demander la monnaie qu'il n'arrive pas à récupérer. Une des concernées, au teint noir accoutré d’une robe bleue et assise sur une chaise, avec un accent sérère demande à son tour son argent. Le groupe en profite pour laisser place à une discussion sur le cousinage et la plaisanterie entre sérère et toucouleur. À cet instant, quelqu’un lui demande « Yow xana seereer nga ? » ; « tu es une Sérér ? », la fille sourit en baissant la tête. Certains profitent du moment pour interpréter une chanson « seereer jaamu tukulëer » ; « sérér, l’esclave des tukulëer » et la fille réplique par des « non », « tukulëer jaamu seereer » ; « Non, non. Tukulor l’esclave des sérér ». On nous sert dans la foulée du thé. La personne qui sert le thé, en s’avançant, avec son plat en aluminium, vers ma collègue et moi, dit en nous tendant le verre de thé « Bismilaa »[36]. Sur le grand-place, au moment où plusieurs passants formulent des salutations, on observe aussi une bonne partie qui passe son chemin sans la moindre attention. La question des monnaies non remises revient sur la table par le biais du concierge du village qui s’exprime en ces mots : « dee gi daffa gaaw ku ma ci ameel bor naa fexe ba fay lako »[37]. Le concierge en profite pour régler la somme due au vendeur de crème glacée. À ce moment, traverse un groupe de filles, l’une d’elle est appelée de la sorte par un gars : « boy viens j'ai quelque chose à te dire ». La jeune femme s’approche de l’homme qui l’a hélé. Derrière lui, une autre fille qui se mêle à l'invitation est taxée de « dañ kumpa » ; « curieuse ». En ce moment arrive un homme. Il donne la main à tous ses homologues en sautant les femmes. Il finit par prendre place et commence à réparer un ventilateur. Il fait taper deux bouts de métal à l’instant où une fille arrive pour récupérer son réchaud. Cette dernière se place à côté d'un réparateur nommé Assane qui porte un polo sur lequel est écrit : « Ziaar annuel de Fasse Ngom. Édition 2018 »[38]. Avec le vieil agent du CROUS, les affaires administratives du Crous se discutent. Ils craignent tous que le nouveau directeur résilie tous contrats illégaux de son prédécesseur. Quelqu’un dans le groupe révèle : « ak direktëer bu bees bi bépp contara bu Ibrahima Fay defon rekk dina ko dindi »[39]. Un autre ajoute dans l’affaire que « Ibrahima Fay bi mu xamee ni dafay dem, ci la rëkirite aye mbokkam yu bari »[40]. Un autre, d’un mouvement avec sa tête baissée : « fii ci Senegaal ku pólitigul do jariñu »[41]. Une détonation se fait entendre subitement, « Subxaanala »[42] disent plusieurs. « kuuran bi moo sóte » ; « le courant a sauté », affirme Assane qui se lève aussitôt pour aller rétablir l'électricité. Après ce moment de frayeur, une des personnes présentes sur place fait part de ses soucis contractuels, c’est le vieux arrivé plutôt. Une personne lui recommande d'aller voir le directeur lui-même pour une revalorisation salariale. Ce dernier lui signale : « yaw ancien ngafi, donc danga war a gis sa bopp ci affair yi »[43]. Il est en ce moment presque 14h, l’heure de la prière approche. Les passages sont moins fréquents et la chaleur est étouffante. Certains se retirent progressivement pour aller chercher de l'eau pour la prier. Le reste rejoint par 3 filles continue à discuter. L'un d'eux fait part de son mécontentement : « keroog sama superieur dafa nima man bokk naa ci ñiy indil xaalis CROUS

»[44]. Mais « man maa ngi nii benn avancement amuma ko » ; « je suis là sans aucun avancement ». Ses camarades de travail volent tous à son secours en lui donnant comme conseil : « defal ndàank, bul yàkkamti, lu jot yomb »[45]. Petit à petit, la place se vide de son monde. Si d’aucuns se préparent à la prière, d’autres préfèrent aller suivre le matche de l'équipe du Sénégal de beach soccer. Entre temps, le gars qui se dit être concerné par les changements du nouveau directeur, prend son téléphone et met en marche un son qui chante la gloire de Dieu : « laa illaaxa illallaa »[46]. C’est sous ces mélodies que la journée de visite au grand-place se termine.

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Ce corpus réuni, au cours de ces moments d’observation, pourrait être analysé de différentes manières. Dans le cas qui nous concerne, nous choisissons de l’aborder dans une perspective qui convoque les dynamiques socioreligieuses qui se déploient dans l’espace des grand-places. On peut alors se poser une question principale : qu’est-ce que ces différents moments, ordinaires, collectés à des endroits différents selon différents moments de la journée, nous disent ou pas sur la question des dynamiques socioreligieuses ? De par leur constance, leur caractère éphémère, volatil et épisodique, qu’est-ce qui fait ces dynamiques de sociabilités religieuses dans les comportements et dans les interactions des acteurs, dans leur manière de créer ces espaces ? Comment l’espace des grand-places convoque-t-il des rapports sociaux, mobilise plusieurs types de discours, met en jeu des questions liées au genre, à l’identité, à la religion, à la politique, à la culture, à la morale… ?

Le grand-place est généralement considéré par plusieurs Sénégalais comme quelque chose qui relève de l’ordinaire, de la banalité. Un peu partout au Sénégal, dans plusieurs régions du pays, des endroits de ce genre sont relativement visibles dans le décor de plusieurs quartiers. Même s’ils passent généralement inaperçus et impertinents par la majorité des citoyens, l’espace du grand-place est un milieu qui suit les mouvements sociaux. Ce milieu se fait et se défait avec le temps selon les heures de fréquentation. On peut lire à travers les éléments d’observation des moments forts avec beaucoup d’activités aux alentours de 12h-14h. Mais également, cet endroit connaît aussi des moments de fréquentation de faible intensité entre 14h-18h. Dans ces moments, la plupart des personnes font focus sur leurs téléphones. La dynamique qui traverse ces espaces suit, dans ce sens, le rythme des préoccupations humaines. En effet, les grand-places sont des microstructures sociales et de par cette qualité, ils sont des lieux de rassemblement entre individus qui constituent leur société dans la société. Le profil des acteurs rencontrés sur ce terrain est dans une certaine mesure un élément révélateur. En effet, qu’ils soient réparateurs, étudiant(e)s et agents du CROUS, ces individus se retrouvent tous dans un environnement qui ne leur est pas familier pour certains. Bien évidemment, ce principe s’applique plus aux étudiants qui ont tous quitté leurs familles pour l’université. En outre, certains agents du Crous ne sont ni résidents, ni originaires de Saint-Louis. On considère dès lors que pour ces individus -qui doivent prendre leurs marques dans une autre région que la leur-, se constituer des espaces de ce genre est favorable à leur adaptation. Face à ce challenge, avoir des moments de partage, de construction et d’inclusion sociale devient une sorte de thérapie. Autrement dit, au moment où la désorientation est un des facteurs qui peuvent mener à cette maladie nommée « la solitude », cette union au tour du grand-place constitue un remède. Dans cette manière d’être en communauté, tout au long de notre présence in situ, la plaisanterie a été l’élément moteur pour entretenir généralement l’essence de ce grand-place. La plaisanterie a, tout le long, constitué une dynamique constante dans la vie commune de ce lieu. Ce paramètre facilite la mise en jeu d’un certain nombre de rapports sociaux, ici, entre clients et réparateurs ; agents du Crous et étudiant(es), loin des considérations hiérarchiques liées aux titres et aux statuts sociaux.

L’ouverture de l’espace favorise des discussions en rapport avec la politique, l’économie, la religion, la culture… La vitalité du groupe découle en fait des discussions qui s’y tiennent, des mouvements qui s’y font. Cependant, la plupart des actes posés ou des discours menés, durant ces moments de coexistence, restent circonscrits dans l’espace dédié. Par ailleurs, on peut voir que ce grand-place emmêle le mondain et le religieux. En d’autres termes, le profane et le sacré évoluent de manière concomitante dans la quotidienneté dans l’espace grand-place. Pour l’expérience et parmi d’autres, aux alentours de 11h, au premier jour d’observation, nous prenons place sur les lieux et la première chose qui attire notre attention a été le raisonnement des chants religieux de la tijaanniyya des Sy de Tivaouane. À travers cette chanson, on pouvait voir certains suivre avec des mouvements corporels le tempo de la bande son qui passait. D’autres, par contre, choisissaient de claquer les doigts en harmonie, ou encore reprendre à haute voix les paroles « sacrées », qui rendent gloire à dieu, avec ferveur. À la suite de ces heures de dévotion, la dynamique du milieu impose un remplacement du sacré au profit du profane par une musique mbalax de l’artiste Kèba Seck au titre « wàccal ci suuf »[47]. Cette opposition entre sacré et profane relève de la logique des imaginaires religieux qui considèrent le profane comme tout ce qui touche au folklore, à Satan et à l’incroyance. En conséquence, la présence de deux visions différentes au sein de cet espace peut découler du paradoxe. C’est la raison pour laquelle, au premier jour d’observation, un des camarades de Gora s’interrogeait sur le mélange des sons religieux et profanes, qui, dans sa logique, sont diamétralement opposés. Cette dichotomie n’est pas aussi rigide dans la pratique. C’est plutôt une démarche libre et flexible qui s’opère de manière spontanée dans la vie des Sénégalais. Cette manière de vivre le sacré et le profane se résume autour du concept « diine ak jamono ». Cette philosophie de vie renseigne sur la perception que les Sénégalais se font de cette dualité. En ce sens, le vendredi, parmi d’autres exemples, illustre parfaitement cette coexistence entre sacré et profane. Tout au long de cette journée, des sonorités religieuses résonnent de partout pour accompagner la grande prière. Cependant, pour le reste de la semaine, les références musicales religieuses sont alternées avec du mbalax. En plus, les grand-places sont des espaces qui bravent de temps en temps des interdits socioreligieux en l’exemple du mélange entre garçons et filles. Autrement dit, au Sénégal, sur le plan social, l’amitié entre l’homme et la femme est généralement mal perçue. Il est fréquent d’entendre dans le langage communautaire qu’ « il ne peut pas y avoir d’amitié entre un homme et une femme ». Et au regard des éléments d’observation, cette suspicion sociale n’est guère prise en compte dans l’organisation du grand-place. En outre, selon les estimations de l’ANSD[48], la population sénégalaise est majoritairement musulmane. Cette considération démographique tend vers une islamisation du regard social notamment sur la question du genre. Dans le discours religieux dominant, le contact entre une femme et un homme qui ne sont pas des conjoints, peut être considéré comme un péché, même si la grande majorité des Sénégalais estime que les interactions hommes/femmes hors cadre conjugale, relève de la normalité et non pas d’une faute. De plus, au moment où les sociétés traditionnelles bannissent toutes formes d’injures, les acteurs de ce grand-place choisissent, parfois, de faire abstraction de ces interdits. Des questions éminemment socioreligieuses sont en confrontation permanente dans ce lieu. Nous avons assisté à des moments où des interdits religieux sont venus se confronter à la réalité sociétale du grand-place, notamment, sur le fait d’être ensemble sans forcément s’attarder sur des disparités. Les hommes et les femmes s’assoient côte à côte, sachant que ce mélange peut impliquer dans la foulée plusieurs autres types d’interdits sociaux et religieux.

Par ailleurs, c’est dans ce même élan que les leçons du terrain laissent entrevoir une forme de ténacité de ces milieux qui semblent être à la marge des sociétés. Alors que ces espaces, à la lumière de leurs fonctions sociales, ne bénéficient pas des offres publiques, les grand-places se retrouvent, en ce sens, marginalisés sur le plan politique. Dès lors, ces espaces sont plutôt entretenus par des investissements personnels et collectifs. En dépit des évolutions sociales notées dans le cadre urbain, les grand-places ne s’alignent pas forcément dans cette dynamique sociale d’amélioration du cadre de vie. Malgré cela, la constance des moments de plaisanterie procure au grand-place un dynamisme et une homogénéité. Pendant le temps de présence, nous avons rencontré des personnes avec un grand sens de l’humour. Nous avons apprécié cet environnement chaleureux dès le premier jour. Une des personnes qui fréquentent le lieu nommé Gora  se fait distinguer à plusieurs reprises. Cet élan chaleureux est observable à tout moment dans les interactions. En auscultant les bases de cet environnement de coexistence, les interactions gestuelles et langagières peuvent être considérées comme les principales locomotives. À l’analyse, les échanges à travers la prise de parole et les agis, accordent au grand-place une âme, une vie. Ces paroles et actions se reflètent dans la façon dont les acteurs essaient de sauvegarder les liens, à la limite sacrés, qui les unis. Ces liens peuvent être considérés comme relevant de la sacralité grâce à la manière dont les acteurs entretiennent et sauvegardent précieusement leur acquis. Ce genre d’espace est circonscrit de sorte que face à toute action nuisible à sa pérennité, la riposte s’organise dans l’immédiat. Certains éléments d’observation illustrent ces moments précis. Il y a un moment où, aux environs de 13h, dans la vie estudiantine, nous sommes pleinement aux heures de pointe. Une jeune fille qui passait se fait interpeller car elle n’aurait pas salué au moment de passer. L’intérêt de cet instant réside sur la lecture que nous pouvons faire sur les affinités qui y sont développées entre passants et gens du grand-place. Nous prendrons connaissance du degré de complicité au moment où nous comprenons que la fille est une étudiante qui fréquente le grand-place. Et le « simple » fait de ne pas saluer est vécu comme une offense à l’égard de ceux avec qui elle partage cet endroit. C’est en fait un moment pour les membres de consolider le pacte qui les unit au groupe. Pour se dédouaner, la fille finit par jurer sur Dieu en disant : « Wóor na Yàlla nuyoo naa » ; «Dieu sait que j’ai salué ». La portée de cette phrase aura suffi pour se faire croire. Entre bons amis, ils finissent par se quitter en ces termes « Ba ngoon insàlla » ; « à ce soir s’il plaît à Dieu ». 

Au final, nous pouvons dire que le milieu du grand-place est une société en miniature. C’est un espace où se jouent plusieurs enjeux socioreligieux. À l’image de ce grand-place, parmi d’autres observés[49], ces endroits méritent, contrairement à certains imaginaires au sein de la société sénégalaise, leur présence dans l’espace public. Ce regard porté sur ce milieu fait l’objet d’une longue tradition d’opposition entre les grand-places d’hier et ceux d’aujourd’hui. En d’autres mots, le grand-place est perçu de manière péjorative par la majorité des Sénégalais. À cause des jugements établis sur d’autres espaces de rencontre entre jeunes, nommés eux aussi grand-place, qui perturbent l’ordre social. La généralisation de ce regard affecte au fil du temps sa notoriété d’antan qu’il n’a pas forcément perdu. Car, le grand-place est un lieu qui ne prend pas en compte les distinctions sociales. Toutes les personnes qui le fréquentent jouissent des mêmes droits par rapport aux autres. Effectivement, le grand-place est un espace melting-pot où l’inclusion est de mise. Cette inclusion est facilitée grâce au désintérêt que les acteurs accordent aux hiérarchies sociales. Hommes-femmes, jeunes-vieux, chrétiens-musulmans, étudiants-ouvriers ou fonctionnaires, tous partagent un espace qu’est le grand-place. Si ce milieu avait été conçu selon les considérations liées aux statuts ou titres, l’endroit serait, dans ce cas précis, réservé exclusivement à une catégorie sociale précise. Étant un espace en marge des considérations dans les politiques urbaines, nous pouvons lire à travers cet exercice la manière dont l’organisation de ces milieux se révèle un redéploiement social. En ce sens, plusieurs interdits socioreligieux s’y déroulent. De plus, la constitution de l’espace au gré des personnes qui se l’approprient, fait du grand-place un milieu flexible qui s’adapte aux activités quotidiennes. On note enfin, à travers les modes d’appropriation du lieu par ses membres, une certaine sanctuarisation qui constitue une sorte de garantie pour sa pérennité.


[1] Le mot « village », au sens figuré du terme, est l’appellation par laquelle sont désignés les logements universitaires au sein de l’Université Gaston Berger. Cette université se situe dans le nord Sénégal, plus précisément dans la région de Saint-Louis.

[2] La tijaniyya des Sy est l’une des plus influentes familles confrériques au Sénégal. Les chants religieux sont des poésies à la gloire de Dieu, de son prophète et des marabouts de la famille Sy. Il y a plusieurs éléments qui permettent d’identifier ces chants comme appartenant à la tijaniyya. En premier lieu, chaque famille confrérique a ses propres griots qui, comme l’un des plus célèbres Abdou Aziz Mbaaye, sont chargés d’interpréter des poèmes écrits par le marabout fondateur ou sa descendance. Ces poèmes peuvent être aussi élaborés par les chanteurs eux-mêmes. C’est cet ensemble qui constitue en gros l’identité de la famille confrérique à travers les chants.

[3] « Jeune » est un système de référencement en termes d’âge social. Généralement, on fait appel au mot pour désigner des personnes âgées de moins de 50 ans. Cette tranche d’âge social est généralement mise en opposition avec la catégorie « vieux » pour désigner les plus de 50 ans. Cette catégorisation peut aussi dépendre du comportement des personnes.

[4] Un griot connu pour ses paroles à la gloire d’Allah, de Mahomet le prophète de l’islam et particulièrement des sergines de la famille Sy.

[5] Dans la tradition arabo-musulmane, la salutation (transcrit en wolof) est formulée ainsi pour se souhaiter la paix entre deux interlocuteurs. C’est une forme de bénédiction quotidienne entre deux ou plusieurs personnes. Le(s) premier(s) qui bénis (sent) par « assalamu Aleykum » se fait en retour bénir par «Mualey kum Salaam ».  

[6] Ustensile utilisée pour la préparation du thé dans plusieurs pays Ouest-africain.

[7] « Fils, comment tu vas ? » Ceci est une manière récurrente de se saluer entre jeunes. Ce type de salutation s’effectue entre deux personnes qui partagent une certaine affinité. 

[8] Cette phrase est un emprunt du wolof à l’anglais (cool). Fréquemment les jeunes l’utilisent dans leurs interactions quotidiennes, pour dire « tout va très bien ».

[9] Le nom « Bajjen » est une appellation sociale pour désigner la sœur à son père. Au sein des familles sénégalaises, « Bajjen » est une personne qui joue un rôle incontournable. Ici, le grand-place prend, dans une certaine mesure, des allures familiales.

[10] La National Basketball Association (NBA) est la plus grande compétition de basket au monde. Aux États-Unis, le basket est le sport principal avec un championnat mondialement reconnu. Au Sénégal, les admirateurs s’habillent généralement avec des maillots de stars du basketball comme ceux du football.

[11] Ce sont des insultes de plaisanterie.

[12] C’est une traduction littérale du wolof au français, pour dire chambrer, en accusant faussement.

[13] « Tu te mêles trop aux affaires des autres ».

[14] Titre du son en question « waccal ci suuf » signifie en français « descendre en bas ». On peut prendre cette traduction comme une forme de redondance. Cependant, en wolof, cette dimension grammaticale de la langue française n’est pas trop prise en compte.

[15] Le « Mbalax » est une sonorité musicale du Sénégal. Nous pouvons prendre Youssou NDOUR comme l’un de ces principaux ambassadeurs.

[16] Ceci fait partie d’un ensemble d’appellations empruntées à l’arabe par le wolof pour désigner une femme à l’apparence « pieuse ». Au sens propre, ce terme renvoie à la fonction de maîtresse dans le système d’enseignement arabe et coranique.

[17] Au Sénégal, ceci est une des manières respectueuses pour dénommer une femme quand on ignore son prénom.

[18] Emprunt du wolof à la langue arabe.

[19] « Boy, à l’heure de la prière tu dois laisser toute activité de côté ».

[20] « Des médicaments contre les infections dermatologiques, il y en a ; hémorroïde, asthme ; celui qui fait pipi au lit, il y en a ».

[21] Centre Régional des Œuvres Universitaires de Saint-Louis (CROUS).

[22] « La médecine traditionnelle propose de bons médicaments. Cependant, le problème se situe au niveau d’une absence d’outils de contrôle du dosage pour espérer des effets positifs ».

[23] Formule de salutation inspirée de la pratique du ziaar qui est une activité régulière d’allégeance du disciple confrérique à son marabout.

[24] En dehors d’être une réponse à la salutation. Les deux ou plusieurs interlocuteurs appliquent la réciprocité du ziaar par « delloo ziaar ».

[25] De manière spontanée, les croyants musulmans usent des différents noms du prophète de l’islam pour se remémorer Dieu dans des moments spéciaux comme ici avec la canicule.

[26] « Moi-même j’ai été mis à pied un mois ».

[27] Le concept de « devoir religieux » est un mot fréquent dans le langage du grand-place. À certaines heures, les gens sont systématiquement interpellés par l’appel à la prière qui marque la cessation de de toutes les activités. Les gens du grand place s’en font le rappel, constamment, comme nous l’avons noté au cours de nos observations.   

[28] Dans chacun des villages au sein de l’Université Gaston Berger, un système permanent d’entretien est appliqué afin de maintenir un niveau de propreté et d’hygiène dans le campus social. Pour prendre en charge cet aspect, plusieurs femmes de ménage ont été recrutées. Cependant, elles ne sont pas facilement identifiables par leurs accoutrements. Mais plutôt, c’est avec l’aide de ma collègue de travail, avec qui j’ai partagé ces moments d’observation, qu’elle et moi sommes parvenus à les identifier, car elle les côtoie quotidiennement.

[29] Par affinité, les salutations peuvent prendre différentes formes chez les jeunes gens qui partagent une certaine vision de la vie sociale. Ces salutations peuvent prendre d’autre forme comme nous l’avons constaté plus haut avec « Fils nakamu ?».

[30] Artiste-comédien sénégalais qui incarne le rôle d’un fou. Pendant un bon moment, les jeunes prenaient toujours plaisir à l’imiter surtout par rapport à son style langagier.

[31] « Que Dieu fasse que tu aies un entretien demain. S’il plaît à Dieu ». Le terme « entretien » réfère ici à l’idée d’embauche, mais aussi plus largement à l’idée d’être appelé par le Président pour être consulté pour un poste.

[32] Formule de salutation inspirée de la pratique du ziaar qui est une activité régulière d’allégeance du disciple confrérique à son marabout. Une spécificité est à faire ici avec l’ajout du nom de famille « Fall ». Cette pratique de salutation fait référence, généralement, à une appartenance confessionnelle aux Baay Faal, une branche au sein de la confrérie mouride.

[33] « Naar bi » est un code d’appel connu des parieurs au Sénégal pour faire allusion aux paris sportifs.

[34] « Hier, le Réal a fait beaucoup perdre ». Les tickets résument l’ensemble des mises effectuées. À partir de là on peut avoir un suivi sur les mises.

[35] « Avec cette vie dure, tu te permets de donner 2.000f pour acheter 50f ». Ceci est une manière de dire à la personne qui achète qu’elle ne devrait pas attendre pour recevoir sa monnaie dans l’immédiat.

[36] Formule utilisée par les musulmans avant de se lancer dans quelque action que ce soit.

[37] « La mort est imprévisible. Je ferai tout mon possible pour payer mes dettes »

[38] « Annonce d’une ziaara annuelle qui se tient dans la communauté rurale de fass Ngom dans la région de Saint-Louis.

[39] « Avec le nouveau directeur, tout contrat signé par Ibrahima Faye sera annulé ». Ibrahima est l’ancien directeur du CROUS (Centre Régional des Œuvres universitaires) de Saint-Louis. Il est remplacé de ses fonctions au cours du mois d’octobre 2022.

[40] « Ibrahima Faye, conscient de son départ, a profité du moment pour recruter plusieurs membres de sa famille ».

[41] « Ici au Sénégal, la politique est le seul moyen pour avoir sa part du gâteau »

[42] Manière de rendre gloire à Allah chez les musulmans.

[43] « Toi tu fais partie des anciens et donc cela doit se refléter en toi ».

[44] « La fois passée, mon supérieur me disait que je fais partie des gens qui font rentrer de l’argent au CROUS »

[45] « Ne sois pas pressé. Chaque chose en son temps ».

[46] Cette phrase témoigne dans la foi musulmane qu’« il n’y aucune autre divinité qu’Allah ».

[47] Kéba Seck est un artiste sénégalais qui « fait le buzz » dans le langage du show bizz. Avec son nouveau clip qui, visiblement, cartonne, il est, au moment de notre enquête, parmi les plus écoutés.

[48] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie

[49] Le Gaec-Africa dispose en effet d’une consistante tradition d’observation de grand-places dans la ville de Saint-Louis. Voir la page Viméo du Collectif.

Oumoul Khaïry Dramé est étudiante en Licence 3, à l’Université Gaston Berger, au Centre d’étude des religions. Elle vient de réaliser un petit mémoire de recherche sur le thème « Hypersensibilité et religiosité ». Elle est volontaire-chercheure du Groupe d’Action et d'Étude Critique- Africa et chargé de mission dans la communication.

Mouhamadou Mansour Ndongue est doctorant, inscrit en 2e année de thèse au Centre d’Étude des Religions, de l’Université Gaston Berger. Il est l’auteur d’une étude de cas, en 2016, portant sur les représentations sociales des dakarois sur le thème « islam et terrorisme ». Deux ans plus tard, il réalise un mémoire de master comparant les pratiques et les usages du religieux entre le Sénégal et le Cambodge. C’est autour de cet intérêt que se prolonge son travail de thèse consacré aux espaces de production de savoir en contexte colonial. Il est volontaire-chercheur du Groupe d’Action et d'Étude Critique- Africa et chargé de mission dans la production.

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AFRIK BU NUY XAAR

Panel Citoyen GAEC Africa - Saint Louis, 23 juillet 2023

Le programme Ndar Dèmb ak Tay reçoit Baba Badji, poète et écrivain, Professeur à l'Université de Rutgers, dans le cadre de sa résidence d'écriture au GAEC-Afrique. Ce Panel Citoyen sur l'Afrique qui (nous) attend et que nous attendons, est organisé avec : le projet Dakar Translation Symposium, l'ONG Hahatay, le laboratoire POEME, Rutgers Global, l'UASZ, Rutgers Institute for the Study of Global Racial Justice, l'UCAD, NYU Global Inclusion, Diversity and (...)